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Naturel et Chimique


Tout est naturel


Pourquoi certaines choses nous apparaissent-elles naturelles, alors que tout sur terre est extrait de la nature ?
En réalité, c’est un
biais naturaliste
qui nous fait les définir comme telles. Nous jugeons comme
bonnes
les
choses que nous connaissons depuis longtemps
(nos habitudes, nos traditions, consommer des produits fermiers par exemple) et c’est par un
raisonnement circulaire
que les choses jugées
bonnes
nous
apparaissent naturelles
, et que les choses nouvelles nous apparaissent donc
contre-nature
.
Rien n’est « naturel » par essence, ce qui est naturel aujourd’hui ne l’a pas toujours été, et ne le sera plus nécessairement demain :
Nos aliments traditionnels d’aujourd'hui le sont depuis peu. Le blé et l'ail sont importés d’Asie centrale, les poivrons et courgettes d’Amérique centrale, les tomates et pommes de terre du Pérou. Le maïs vient du Mexique, l’aubergine de Chine, l’oignon d’Egypte. Les premières tomates ne sont ramenées en Europe qu’en 1545, mais ne seront utilisées pour la cuisine que vers 1750 (on se méfie à l’époque des toxines que contiennent les solanacées, tel la belladone, le datura, la mandragore). Avant 1750,
une ratatouille est tout sauf naturelle
.
La nature humaine évolue. En France, l’homosexualité était un délit jusqu'en 1982, les femmes n’ont le droit de vote que depuis 1944, la contraception n’est autorisée qu’en 1967, et l’IVG en 1975.
Avant qu’il ne soit naturel d’en respirer,
l’oxygène était un poison
pour toute vie sur terre, un oxydant détruisant tout. Aujourd’hui encore il ronge le métal et est cancérogène.

On a intégré une
vision essentialiste
de «
mère nature
» comme étant bonne et indulgente, mais c’est une grille de lecture simpliste, et on aurait tort de croire que tout ce qui est naturel est bon. La
nature sauvage
, non domestiquée, n’est
pas bienveillante
. Ce que nous considérons comme 100% naturel peut tout à fait être extrêmement toxique.
Sont
naturels
: Les tsunamis, les UV, les moustiques, les venins et poisons, le tabac, la ciguë, la belladone, la cocaïne, le pétrole, la peste, le bec de lièvre, la mortalité infantile, l’Uranium, la toxine botulique, etc.
Ne sont
pas naturels
: Le progrès, les maisons, les chaussures, le mariage, l’insuline de synthèse, etc.
L’
aspirine
est-elle naturelle ? C’est une molécule (acide salicylique) extraite de l’
écorce du saule blanc
ou de la reine des prés, donc à l’origine, de la
phytothérapie
. Elle est aujourd’hui vendue sous la forme d’
acide acétylsalicylique
de synthèse, qui a les mêmes avantages tout en étant moins irritant pour l'estomac.

De la même manière, « la
nature
est
bien faite
» ou « la
nature
est
belle
» sont des affirmations péremptoires auxquelles il est parfois difficile d’adhérer :
Une femme peut
enfanter à 12 ans
.
Le nerf optique traverse la rétine, nous avons un point aveugle pile au milieu de l’œil.
Le nerf qui innerve le pharynx passe sous l’aorte (chez la girafe ce détour fait 3 m de long).
La nature déploie de nombreux
comportements
que nous jugeons
immoraux
: Les mouettes à tête noire et les mantes religieuses sont
cannibales
. Les pingouins empereurs de l'Antarctique
sacrifient
leurs congénères. Certains oiseaux pratiquent le
chantage
(en hurlant pour être nourris, au risque d’attirer les prédateurs) ou le
mensonge
(en détournant leurs mécanismes de régulation pour moins partager les ressources). Les figuiers se
vengent
sur la progéniture des guêpes qui ne pollinise pas assez. Les Nosema ou les Seculina
asservissent
des hôtes pour s’en nourrir vivant. Les termites
domestiquent
des pucerons. Les trématodes
droguent
les escargots. Les virus de la rage et de la toxoplasmose
droguent
chiens, chats et souris. Les coucous indicateurs et les coucous communs de Grande-Bretagne
assassinent
leurs frères et sœurs. Les souris mâles
avortent
les femelles. Les lions mâles
assassinent
les lionceaux du groupe de femelles dans lequel ils arrivent. Les fourmis esclavagistes
volent
les larves d'autres espèces, ou capturent et
violent
des ouvrières pour se reproduire. Etc.
Les orties possèdent des pointes de silice qui lorsqu’elles se brisent libèrent histamine, sérotonine, acétylcholine et formiate de sodium.
L’eucalyptus, résistant au feu, produit des aérosols inflammables pour
éliminer la concurrence
. Etc.





Tout est chimique


Tout dans l’univers est composé de particules, d’atomes et de molécules. Toute la matière, inerte ou vivante, ne se transforme que par des réactions chimiques.
Tout est chimique
, et chimique n’est pas systématiquement synonyme de
toxique
.
La
photosynthèse
qui permet la croissance d’une tomate est une réaction chimique qui transforme du dioxyde de carbone et du monoxyde de dihydrogène en glucose et en dioxygène. Ces produits sont chimiques mais les tomates ne sont pas toxiques.
De nombreuses
plantes
« naturelles » sécrètent elles-mêmes des produits chimiques très toxiques, comme des
insecticides
, de la ciguë, de la belladone. L’escargot marbre de cône sécrète naturellement un
venin
dont une seule goutte peut tuer 20 personnes. Le coléoptère bombardier projette un mélange corrosif d'hydroquinone et de peroxyde d'hydrogène en ébullition. Etc.

Le
nom
d’un produit ne dit rien de sa dangerosité. L’
eau
par exemple, de formule chimique H
2
O, est du
monoxyde de dihydrogène
, aussi appelé hydroxyde d’hydrogène, acide hydroxyque, ou encore hydroxyde d’oxonium, mais pour chaque appellation, ça reste exactement le même produit, de l’eau.
Derrière des noms « chimiques », on retrouve des molécules « ordinaires » :
Rétinol = Vitamine A.
Cyanocobalamine = Vitamine B.
Acide ascorbique = Vitamine C.
Cholécalciférol = Vitamine D.

Les «
composés chimiques
» constituent la
nature
. Chacun de nous contient actuellement, et
de façon tout à fait naturelle
, du mercure, de l’arsenic, du cyanure, du formaldéhyde, de l’aluminium, du plomb, et bien d’autres éléments chimiques, sans qu’il y ait quoi que ce soit d’anormal.
A notre mort,
notre corps se dégrade
« naturellement », et les microbes « naturels » attaquent nos tissus pour produire un ensemble de 400 substances chimiques et de gaz : des gaz hydrochlorofluorocarbonés (HCFC) ou chlorofluorocarbonés (CFC) (le fréon des réfrigérateurs), du benzène, du soufre, du tétrachlorure de carbone (anciennement utilisé dans les extincteurs et le nettoyage à sec), etc. Ce sont des substances essentielles, « chimiques » ET « naturelles », qui rendent les sols fertiles.
Notre
eau du robinet
contient naturellement de l’antimoine, de l’arsenic, du benzène, du mercure, des nitrates, du plomb, sans que cela constitue un risque pour la santé.

Les
types de caractéristiques
des produits chimiques ne présagent pas non plus de leur toxicité ou non-toxicité. L’eau contient des
nutriments
, des
minéraux
essentiels, aussi appelés
oligo-éléments
 (Iode, Fer, Cuivre, Zinc, Sélénium, Chrome, Molybdène, Bore). Pourtant ces mêmes composés, essentiels à notre santé (leur manque peut provoquer des carences) sont aussi
toxiques à hautes doses
.
L’eau contient de très nombreux
métaux
(ce qui est logique vu que 86 des 118 éléments existants sur terre sont métalliques). L’Aluminium par exemple est le métal le plus abondant de l'écorce terrestre (8% de sa masse) et le troisième élément le plus abondant après l'oxygène et le silicium. Le terme « métal » n’apporte donc aucune information de dangerosité (Calcium, Magnésium, Fluor, etc. sont des métaux).





Comment juger la dangerosité


La distinction
chimique
/
naturel
, simpliste et séduisante au premier abord, n’a en réalité pas de sens, tout est chimique, et tout est dans la nature. « Naturel » et « chimique » ne sont ni des critères pertinents, ni des critères suffisants. La toxicité doit être évaluée sur d’autres critères comme la
dose d’exposition
. Comme le disait Paracelse en 1540 déjà « Tout est poison, rien n'est poison, c’est la dose qui fait le poison », autrement dit « le monde n’est pas binaire, il n’est pas fait de bien et de mal ».
Boire
7 litres d’eau peut tuer
.
Il y a du
cyanure
dans les pépins de pomme.
La
caféine est mortelle
(au-delà de 12g, c'est-à-dire environ 100 tasses).

Confronté à un produit chimique, il convient donc de se poser plusieurs questions :
1)
Sous
quelle forme
exacte se présente le produit chimique ?
2)
Quelle est la
dose toxique
chez les humains ?
3)
Quelle est la
dose contenue
dans le produit en question ?

Des exemples :
1) Sous quelle forme ?
: Le
sodium
est extrêmement réactif et peut même
exploser au contact de l’eau
et le
chlore
est tellement
toxique
qu’il a été utilisé comme
gaz de combat
. Cependant, si nous les combinons ensemble, nous obtenons du chlorure de sodium (NaCl), c'est-à-dire du sel de table, qui ne se comporte pas du tout comme ses composants : il n’explose pas au contact de l’eau, il ne crée pas d’empoisonnement au chlore. La combinaison de ces deux éléments a changé leurs propriétés, il est alors absurde de dire que le sel est dangereux car il contient du chlore ou du sodium.
2) Quelle dose est toxique ?
: La
noix de muscade
contient des substances
toxiques
,
cancérogènes
,
psychotropes
, plusieurs phénylpropènes (myristicine, safrole et élémicine). Une consommation excessive peut entrainer nausées, vomissements, diarrhée, xérostomie, mydriase, tachycardie, intoxication du système nerveux central (altération incontrôlable de la parole et du fonctionnement psychomoteur, états sensoriels psychédéliques, état comateux, amnésie). La
mort
survient à des doses ingérées d’
environ 20 grammes
.
Plusieurs critères concrets permettent de juger de la dangerosité d’un produit :
La
DL50
«
Dose Létale médiane
», dose causant la mort de 50% d’une population.
Par exemple, pour la caféine, la DL50 est de 192 mg/kg de poids corporel, soit pour un humain de 60kg, une chance sur deux de mourir avec 11,52g de caféine ingérée.
La
DJA
 «
Dose Journalière Admissible
», est la dose quotidienne considérée comme ne pouvant pas avoir d’effet toxique sur un humain. Les DJA sont-elles mêmes calculées pour être encore bien inférieures aux DSE « Dose Sans Effet ». Les DJA sont déterminées par les
agences de sécurité alimentaire
telles que l’EFSA.
Par exemple, pour la caféine, la DJA est de 400mg, ou 200mg pour les femmes enceintes, soit un facteur de sécurité de 100 par rapport à la DL50.
3) Quelle dose est contenue ?
: Une fois que l’on connait la dose de produit qui aura des effets toxiques sur un humain, il faut encore savoir combien de ce produit contient l’aliment que l’on ingère.
Par exemple, pour la caféine, on peut estimer qu’un mug de café filtre contient 145mg de caféine, et un expresso 77mg. Il faudra donc 79 mugs ou
150 expressos pour atteindre la DL50
, et 3 mugs ou 5 expressos pour atteindre la DJA.

Des toxiques ordinaires, du moins toxique au plus toxique :
DL50 de 3300 mg/kg : Le
sel de table
.
DL50 de 2400 mg/kg : Le
paracétamol
.
DL50 de 1568 mg/kg : Le
glyphosate
.
DL50 de 375 mg/kg : L’
acide oxalique
contenu dans la rhubarbe.
DL50 de 196 mg/kg : La
coumarine
contenue dans la cannelle.
DL50 de 192 mg/kg : La
caféine
.
DL50 de 100 mg/kg : Le
formaldéhyde
contenu dans les fruits.
DL50 de 53 mg/kg : La
nicotine
.
DL50 de 10 mg/kg : La
solanine
, neurotoxique, contenue dans les pommes de terre et tomates vertes.
DL50 de 3 mg/kg : L'
acide cyanhydrique
contenu dans les pépins de pomme ou les amandes amères.
DL50 de 1 mg/kg : L’
arsenic
.
DL50 de 0.000001 mg/kg : La
toxine botulique
(le poison le plus dangereux pour l’homme, 3 millions de fois plus violent que le cyanure) :





Nous sommes en permanence exposés à des produits toxiques


Dans la vie courante, et de façon tout à fait banale, nous sommes constamment
exposés à des produits dangereux
, toxiques ou cancérigènes. Nul besoin de blâmer la vie moderne, c’est le cas depuis toujours. Nos aliments n’ont
aucun intérêt à se laisser consommer
, leur tendance serait plutôt à produire des
toxines
pour se protéger. Heureusement, le risque d’intoxication est très faible pour des consommations ordinaires, mais tout de même, la nature est loin d’être cet innocent et virginal jardin d’Eden que seul l’homme viendrait contaminer…
Une
tomate verte
non mûre de 80 g contient environ 25 mg de solanine. Vu la DL50 de la
solanine
, une consommation de 2 kg de tomates vertes (600 mg de solanine ingéré pour un adulte de 60 kg) peut donc être fatale. Pour une tomate à demi mûre (orangée) la teneur en solanine chute à 2 mg et ne présente plus aucun risque.
Les
pommes de terre
(principalement parties vertes et germes) contiennent aussi de la
solanine
qui n'est pas détruite par la cuisson. 100 g de pommes de terre non épluchées contiennent entre 5 et 7 mg de solanine (la valeur limite fixée dans le commerce est de 20 mg / 100 g). Tous les ans, des dizaines d’ouvriers agricoles sont hospitalisés parce qu’ayant cueilli trop de pommes de terre.
Certains
haricots
crus (en particulier graines de haricots rouges) contiennent de la
phasine
(phytohémagglutinine) une protéine capable de se lier aux glucides (provoquant agglomération des globules rouges et encombrement des vaisseaux sanguins) et capable de s'accrocher aux villosités intestinales (perturbant considérablement leur fonction). L’ingestion peut entraîner crampes d'estomac, vomissements, diarrhées sanglantes, frissons, crampes. La protéine est dégradée par la chaleur et éliminée par cuisson en 15 à 20 minutes.
Les
pois chiches
crus contiennent aussi de la
phasine
. Ils doivent tremper 12 h dans l'eau, et cuire 2 h.
La
rhubarbe
a une forte teneur en
acide oxalique
qui, s’il se lie au calcium de notre corps, peut provoquer la formation de calculs rénaux, urinaires ou s'attaquer à l'émail dentaire. Pour s’en prémunir, il faut récolter les jeunes tiges rouges seulement, les éplucher, les cuire, les cuisiner avec des produits laitiers pour que l'acide se fixe au calcium du lait et non au calcium corporel.





C’est la dose qui fait le poison


En pratique, il est cependant difficile de se figurer ce que représentent certaines doses si elles ne sont pas remises en contexte. L’analyse ci-dessous permettra de mieux comprendre certains
ordres de grandeur
et pourquoi certains chiffres, anxiogènes à priori, n’ont finalement rien d’extraordinaire.

Prenons de l’eau :
L’
eau du robinet
, de très bonne qualité et extrêmement contrôlée en France, contient naturellement jusqu’à
50 µg/l de cyanure
. En fait elle contient également 10 µg/l d’arsenic, 5 µg/l d’antimoine, 1 µg/l de mercure, 10 µg/l de sélénium, mais aussi
des centaines de milliers d’autres molécules
, gaz, substances organiques et même du plancton, tout comme l’eau en bouteille évidemment.

Le
cyanure
est un poison violent. Il entraine apnée, convulsions,
coma
,
arrêt cardiocirculatoire
et la mort survient en
quelques dizaines de secondes
.
Certains meurtriers des romans d’Agatha Christie utilisent du cyanure
dissous dans du champagne
.
Plusieurs dirigeants nazis (Himmler, Göring, etc.) se sont suicidés en 1945 en ingérant une
capsule de cyanure
. Le cyanure était utilisé dans les chambres à gaz durant l’Holocauste.
Les 914 membres de la secte du Temple du Peuple se sont suicidés collectivement en 1978 à Jonestown en buvant du
cyanure de potassium dilué
dans du jus d’orange.

Mais alors, combien de
cyanure
et d’arsenic contient une
cuillère à soupe
(15 ml) d‘eau du robinet ?
50 µg de cyanure par litre, soit 0,75 µg de cyanure dans 15 ml.
10 µg d’arsenic par litre, soit 0,15 µg d’arsenic dans 15 ml.

En connaissant les
masses volumiques
et la constante d’
Avogadro
, on peut calculer le
nombre d’atomes ou de molécules
 correspondant (masse / masse volumique * Avogadro) :
Eau :
____________
15 g / 18,0153 g/mol * 6,22140857.10
23
/mol = 5,18.10
23
molécules environ.
Cyanure :
_
0,75.10
-6
g / 26,0174 g/mol * 6,22140857.10
23
/mol = 1,793.10
16
molécules environ.
Arsenic :
__
0,15.10
-6
g / 74,92159 g/mol * 6,22140857.10
23
/mol = 1,246.10
15
atomes environ.

Autrement dit,
dans une cuillère à soupe (15 ml) d’eau du robinet
, il y a :
518 000 000 000 000 000 000 000
molécules d’eau.
000 000 0
17 930 000 000 000 000 molécules de cyanure
.
000 000 000
245 000 000 000 000 atomes d'arsenic.
…et des centaines de milliers d’autres molécules à des teneurs semblables.

Cependant, malgré la toxicité du cyanure, et même si ça parait contre-intuitif…
il n’est pas dangereux de boire une cuillère à soupe d’eau
, ni même plusieurs litres par jour.

Le cyanure est bien un poison violent qui peut tuer en quelques secondes, cependant il n’opère pas par magie en s’affranchissant des lois physiques, son
mode d’action
est des plus basiques :
Chaque molécule de cyanure
vient au sein d’une des
mitochondries
de nos cellules (nos « centrales énergétiques ») pour
inhiber une des réactions chimiques
du cycle de Krebs (la « respiration cellulaire »). Le cyanure bloque la production d’énergie qui se fait à partir de glucose et d’oxygène. Pour empêcher complètement une seule mitochondrie de produire de l’énergie, il va donc falloir des milliers de molécules de cyanure. Sachant qu’on compte en moyenne
300 mitochondries par cellule
(entre 0 et plus de 2000) et que notre corps est composé de
30 000 000 000 000 cellules
, la quantité de cyanure dans l’eau qui nous paraissait au départ astronomique n’est en réalité absolument pas capable d’avoir le moindre effet notable sur un corps humain. Ce cyanure sera inactivé naturellement (transformé par une enzyme en thiocyanate, via les reins, le pancréas la glande thyroïdienne) puis éliminé dans nos urines sans avoir posé aucun problème à l’organisme.

La
dose fatale
de cyanure pour un humain est de 3 mg/kg, soit pour une personne de 60 kg : 0,2 gramme (quelques gouttes seulement) c'est-à-dire
4 780 000 000 000 000 000 000 molécules
. Pour comparer, c’est la quantité contenue dans
4000 l d’eau potable
. A cette dose, le corps est
submergé
, il n’est plus apte à tout traiter.
En dehors de l’eau, une
intoxication au cyanure
peut se produire lors de l'ingestion de certaines plantes et de noyaux de certains fruits contenant de l'
amygdaline
(amandes amères, pépins de pomme, d’orange, noyaux d'abricot) ou de la
linamarine
(manioc) et qui libèrent du cyanure en se métabolisant dans l'intestin. 50 amandes amères ou quelques noyaux d’abricots peuvent constituer une dose létale.

Quelle que soit la molécule
toxique envisagée, elle n’aura pas d’autre effet qu’un
effet « local »
.
Une molécule, quelle qu’elle soit, permet juste d’
influencer ou de produire une réaction chimique
. Il n’y a pas de molécules miracles, ni de produit qui, en soi, par sa nature, soit « au-dessus des lois chimiques ». C’est la dose qui fait le poison. Par exemple :
Il ne nous viendrait pas à l’idée de boire de l’
acide chlorhydrique
, et pourtant notre estomac dissout bel et bien les aliments avec de l'acide chlorhydrique.
Il ne nous viendrait pas à l’idée de manger de la
mort aux rats
, et pourtant la molécule utilisée, le
coumaphène
est aussi utilisée en médecine comme médicament pour éviter la formation de caillots ou les AVC.
On peut mourir d’une carence en magnésium, et pourtant le
magnésium
est
8 fois plus toxique que le glyphosate
(DL50 de 200 mg/kg et 1568 mg/kg).

On en revient toujours aux trois questions à se poser :
« De
quel produit
parle-t-on », « Quelle
dose
est
toxique
», « Quelle
dose
est
contenue
».





Tout est dans tout


Quand on parle de dosage ou de toxicologie, on utilise aussi les notions suivantes :
ppm
, une partie par million (« part per million ») = 1 mg/kg (10
-3
g/kg). On parle de
traces
.
ppb
, une partie par milliard (« part per billion ») = 1 μg/kg (10
-6
g/kg). On parle de
microtraces
.
ppt
, une partie par billion (« part per trillion ») = 1 ng/kg (10
-9
g/kg). On parle d’
ultra-traces
.
ppq
, une partie par billiard (« part per quadrillion ») = 1 pg/kg (10
-12
g/kg).

En 1996, le
seuil de détection
était encore de l’ordre de 1 à 10 ppm.
En 2013, la sensibilité maximum de la spectrométrie de masse est de l’ordre de 1 attomole (1.10
-18
mole), soit dans notre exemple : une détection possible à partir de 600 000 molécules. C’est
plusieurs centaines de milliards de fois plus sensible
qu’en 1996 ! 

On peut compléter notre précédent tableau. Dans notre cuillère à soupe d’eau, il y a :
518 000 000 000 000 000 000 000
molécules d’
eau
000 000
518 000 000 000 000 000 molécules d’un produit lambda :
1ppm
= des
traces
000 000
518 000 000 000 000 000
molécules d’un produit lambda :
seuil de détection en 1996
000 000 0
17 930 000 000 000 000
molécules de
cyanure
000 000 000
518 000 000 000 000 molécules d’un produit lambda :
1ppb
= des
microtraces
000 000 000
245 000 000 000 000 atomes d'
arsenic
000 000 000 000
518 000 000 000 molécules d’un produit lambda :
1ppt
= des
ultra-traces
000 000 000 000 000 000
 
600 000
molécules d’un produit lambda :
seuil de détection en 2013

Ainsi, avec les seuils de détection actuels, on peut objectivement affirmer qu’il est possible de trouver n’
importe quel type de molécule dans n’importe quel produit
. En effet, tout se mélange et
tout est dans tout
, il n’y a pas dans la nature de milieu, d’état, ou de produit « pur ». N’importe quel verre d’eau que je bois contient même des molécules d’eau ayant appartenu à Jules César, ou toute autre personne ayant vécu il y a quelques siècles (voir la vidéo en source). 

Ainsi, quand un article alarmiste nous affirme qu’on a retrouvé tel produit « toxique » dans tel endroit ou tel produit de consommation, il faut se demander, vu le taux présenté, si c’est vraiment anormal, et si à ce taux-là, on n’est pas également susceptible de trouver des centaines de milliers d’autres molécules…





La vie d’antan, pas que « naturelle »


On aurait tous tendance à éprouver de la
tendresse pour nos jeunes années
, à reconnaitre à ces temps éloignés de nos soucis actuels une certaine « douceur de vivre ». Ce biais nostalgique nous conduit à une vision fantasmée du passé, alors qu’en réalité ce « bon vieux temps » n’est pas si enviable, et regorge de souffrances oubliées :
La
septicémie
. Avant 1940 et la pénicilline, les blessures étaient souvent à l'origine d’
infections généralisées
, et même un simple accouchement donnait lieu à un risque de fièvre puerpérale. Sans traitement antibiotique, elles entrainaient le décès en quelques semaines
La
mortalité infantile
. Avant 1815,
1 enfant sur 4 meurt avant un an
, et 1 sur 2 seulement arrive à l’âge adulte.
La
fraise
. Cet élégant accessoire de mode (un tour de cou très volumineux, porté au bout d’une collerette) fait son apparition au cours des années 1560. A l’origine, la fraise avait pour motivation la dissimulation du « collier de Vénus », les
ganglions produits par les maladies vénériennes
, courante à cette époque, comme la Syphilis (grande vérole).
Le
botulisme
. La toxine botulique est
la plus puissante de toutes les toxines
connues dans la nature. Les intoxications se produisaient généralement avec des aliments mal conservés (salaisons, conserves, le plus souvent familiales) à la suite d’une mauvaise manipulation ou d’un manque d'hygiène lors de la fabrication.
La
variole
(petite vérole) : aujourd’hui éradiquée grâce aux vaccins, elle était responsable tous les ans en Europe de
dizaines de milliers de morts
(mortalité de 20%). En 1600, 2 personnes sur 3 étaient touchées, la maladie était responsable d’un décès sur 4 avant 1 an, de 1 sur 2 avant 18 ans. Il n’existe encore aujourd’hui
aucun traitement
pour la variole
La
peste
: l'infection s'attaque aux ganglions lymphatiques (siège des globules blancs) qui grossissent et forment des
bubons
. La peste noire apparait d’abord en Asie centrale en 1347, puis est transportée durant les invasions par des troupes mongoles (à Caffa, ville assiégée en Crimée, les mongoles lançaient leurs cadavres par-dessus les murailles pour contaminer la ville, et les convois maritimes qui réussissaient à fuir ont transmis la peste à toute l’Europe). A l’époque, on traitait par la quarantaine, l’incision des bubons, des amulettes contenant du vif-argent (du mercure), le pouvoir des
pierres précieuses
, ou la phytothérapie (des décoctions de plantes avec souvent de l’opium, de la bave de crapaud, du venin de serpent. Le long bec du « costume de médecin de peste » hébergeait d’ailleurs des plantes censées protéger de l’infection. De 1347 à 1352, à cause de la peste noire, c’est
30 à 50% de la population européenne qui décède
.
Le
bec de lièvre
. La prévalence est de 1 enfant sur 1000. Aujourd’hui la chirurgie permet de résoudre quasiment tous les cas.
Etc.





La vie moderne, pas que « chimique »


Contrairement à ce qu’une majorité d’entre nous perçoit,
notre époque est la moins violente
de toute l’histoire connue, et les
progrès sociaux
sont réels. La
tolérance
progresse, la
sécurité alimentaire
aussi, et de manière générale toutes les formes de sécurité : les chiffres des accidents diminuent dans tous les domaines.
Le fait que la vie humaine s’allonge de trois mois par an dans les pays développés signifie que notre mode de vie est loin d’être une catastrophe, et c’est pour cela qu’il est envié par ceux qui ne peuvent en bénéficier.
Le « naturel » pour l’espèce humaine est de mourir en moyenne à 35 ans. Dans les siècles passés, toute maîtrise supplémentaire de la nature était considérée comme un progrès tant celle-ci était perçue comme cruelle. Elle l’est toujours, mais paradoxalement, on nie de plus en plus les progrès de notre temps.

La
réalité objective
ne correspond en rien au catastrophisme ambiant.
L’
espérance de vie
moyenne (et en bonne santé) dans le monde était de
31 ans en 1900
. Elle est
aujourd’hui de 71 ans
(80 ans en France), et ne cesse d’augmenter.
Le
seuil de misère
extrême (défini par la banque mondiale à 2 dollars par jour) concernait
94% de nos ancêtres en 1800
, 37% en 1990,
10% aujourd’hui
.
Nous vivons dans l’ère la plus
pacifique
de l’histoire humaine. Le taux annuel d’homicide dans l’Europe médiévale était de
32 pour 100 000
. A la fin du XXe siècle, ce chiffre est tombé à
1 pour 100 000
. En 2016, on a 500 fois moins de chances de mourir d’un homicide que pendant la préhistoire.
Le nombre de personnes ayant
péri lors de conflits armés
est passé de
195 par million en 1950
à
8 par million en 201
3.
Le niveau mondial d’
alphabétisme
était de
12% en 1800
, de
40% en 1950
. Il est
aujourd’hui de 86%
.
En
1990, il y avait 76
démocraties
électorales. Il y en a
125 en 2015
.
L'
air
de Londres est aujourd’hui aussi propre qu'au début de la révolution industrielle et les
forêts
s'étendent à nouveau en Europe.
La
mortalité par cancer
a
diminué d’environ 13%
entre 1968 et 2002, et non pas augmenté comme on le croit souvent. La mortalité par cancer de l’estomac qui était la principale cause de décès par cancer en 1950 a été divisée par cinq depuis cette date (il est probable que cela soit dû à l’abaissement très notable des
mycotoxines
dans notre alimentation).
La
pollution
est souvent incriminée, mais malgré tout en 2000, les décès par cancer en France sont attribués à : Tabac : 23.9% (1ère position), Alcool : 6.9% (2ème position), Polluants : 0.2% (dernière position)





Un cas concret de produit « chimique », le MODH


Le
monoxyde de dihydrogène
est un composé
chimique
, inodore, incolore, mais aujourd’hui tellement omniprésent dans l’environnement qu’
on en retrouve dans tous nos ruisseaux
et nappes phréatiques. L’OMS estime à
372 000
le nombre de
décès annuels
dus à son inhalation accidentelle (91% de ces morts concernent les pays les moins favorisés). Les dangers sont multiples, pouvant aller jusqu’à
déséquilibre électrolytique
et
coma
. Des études prouvent qu’il peut provoquer l’
éclatement des cellules humaines
et qu’on le retrouve en quantité non négligeable dans les
biopsies de lésions précancéreuses
.
Malgré tout, le monoxyde dihydrogéné (aussi appelé
acide hydroxylique
) reste utilisé comme
solvant
, refroidisseur, dans les industries, dans les
centrales nucléaires
, dans la diffusion de
pesticides
, comme
additif
dans certains aliments de restauration rapide et dans la plupart des produits de consommations.
Même après rinçage prolongé,
il en reste toujours des traces
!
Le gouvernement a
refusé d’en bannir la production
, alléguant son « importance dans la santé économique de notre pays », et actuellement, il est même
légal d’en déverser
dans les fleuves et les océans !
En réalité, la marine et d’autres organisations militaires mènent des expérimentations sur le monoxyde dihydrogéné et construisent, à coups de millions de dollars, des appareils destinés à le contrôler et à l’
utiliser durant les conflits armés
. Des centaines de centres de recherche militaires en reçoivent d’ailleurs des quantités importantes à travers un complexe réseau souterrain de distribution.
Ce produit fait l'objet d’un
intense lobbying
destiné à le promouvoir, ce qui explique sans doute pourquoi le grand public ne s’en méfie pas. Il existe des
pétitions pour son bannissement
(qui circulent depuis plus de vingt ans) mais les pouvoirs publics n'ont encore pris que peu de mesures concrètes contre les fléaux ici dénoncés.
Tout ce qui est écrit ici est rigoureusement exact, factuel, vérifiable.
Cependant le MODH, mono-oxyde de di-hydrogène est simplement… H
2
O, de l’eau.


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